jeudi 12 octobre 2006

Loubia

Bagneux, banlieue grise du sud de Paris, une cité HLM aux ascenseurs taggés. Cétait un soir de Pessah, la fête de Pâques Juive, et j'étais là, petite Gauloise, pour la première fois invitée à partager le repas des grands-parents.

C'était il y a longtemps, très longtemps, quand je n'avais aucune idée du goût que peut avoir l'Orient. J'étais partie loin pourtant déjà, j'étais familière avec le lait de soja chaud et les you tiao du petit déjeuner, les cornets de pattes de poulet frites ou la soupe de nouille au boeuf pimenté. Mais j'étais presque totalement ignorante de toute une culture géographiquement plus proche.

Le grand-père disait la prière dans une langue aux consonnances inconnues. Les plats de fête qui se succédaient étaient totalement étrangers à mon palais. Autour de la table, les hommes parlaient fort, le ton montait, de plus en plus fort, à la limite de l'engueulade. Mais non, c'était juste le volume normal de la conversation. L'oncle racontait des histoires Juives, de celles que seuls les Juifs peuvent se permettre de raconter et qui durent dix minutes, font fuser deux ou trois fois les rires pour se terminer en un bouquet final d'éclats de rire. Et puis il y avait l'accent.
Pendant ce temps la grand-mère, Mémé, toute petite, toute courbée, apportait des plats, encore des plats, servait, nous disait de manger, toujours debout à servir ses hommes. On se serait cru dans un bouquin de Cohen, mais là c'était du vrai. Un véritable choc culturel à portée de Métro.

Je ne saurais vous dire ce que j'ai mangé ce soir là, j'ai oublié, et puis ce n'est pas ma tradition. D'autres sont certainement plus qualifiés pour le faire. Mais je me suis avec le temps acclimatée à cette cuisine particulière, profondément imprégnée de celle du pays dans lequel vivait telle ou telle communauté. En l'occurence, c'était l'Algérie.

Mémé a disparu avec ses recettes, ma belle-mère les perpétue, il est temps que j'apprenne. J'ai commencé avec la loubia, un plat Arabe dit mon beau-père, un genre de cassoulet nord-africain au cumin. La recette, que je tenais d'une tante, était succinte:

HARICOTS ROUGES (LOUBIA)
Dans une marmitte mettre oignons+tomates+lingots blancs+viande+pied. Dès cuisson des haricots rajouter concentré de tomates, ail, poivre rouge, cumin. Si aux merguez les ajouter en fin de cuisson avec le concentré de tomates.

J'ai interprété. C'est un plat de pauvre, j'en ai fait un plat riche en y mettant trop de viande. On corrigera la prochaine fois. Mais c'était bon!

Loubia (pour 6)
  • 1 boîte de 500g de haricots lingots
  • 2 boîtes de tomates pelées en dés
  • 2 oignons
  • 1 pied de veau
  • 6 merguez
  • 2 souris d'agneau*
  • 1 tête d'ail
  • romarin, laurier
  • 3 cs de cumin (ou plus, au goût)
  • 2 cs de poivre rouge moulu (noura concassée)
  • 3 cs de concentré de tomate
* J'en avais mis 4, c'était trop. On peut aussi utiliser du boeuf à pot au feu, de la joue par exemple.

Faire tremper les haricots pendant 12 heures. Dans une grande cocotte, faire revenir légèrement à l'huile d'olive les oignons émincés et l'agneau. Ajouter les haricots égouttés, le pied de veau et les tomates, laurier et romarin. Mouiller d'eau à hauteur. Laisser mijoter environ 1 heure jusqu'à ce que les haricots soient cuits et la viande très tendre. Ajouter ensuite le concentré de tomates, la tête d'ail entière, non épluchée, sel, poivre et épices. Faire revenir les merguez à la poêle et les rajouter au plat. Laisser encore mijoter doucement 3/4 d'heures et servir.
C'est encore meilleur le lendemain...

45 comments:

Fabienne a dit…

Une belle histoire pour une recette très tentante !

Papilles et Pupilles a dit…

de bien beaux souvenirs. Je ne connais pas du tout ce poivre rouge. Je vais aller googler ;)

Anonyme a dit…

Tu nous fais partager tes souvenirs c'est super ,et je vois que tu te débrouilles très bien .bonne soirée bisou

Anonyme a dit…

C'est très émouvant ta manière de raconter, on voit des yeux de petite fille s'ouvrir et des souvenirs s'engranger, pour en faire des choses... bien appétissantes!!

Anonyme a dit…

Très bien écrit et belle recette.

Anonyme a dit…

Une bien belle histoire et une recette alléchante.
Merci de partager ainsi toutes ces belles choses.
MICHELE

Anonyme a dit…

Mmmm un de recettes préférées de mon mari qui en réclame dès que les jours commencent à racourcir, signe de l'arrivée de l'automne, du froid. J'avoue que j'aime bien aussi.
En tout cas cette histoire est très belle.

Anonyme a dit…

Tes talents de conteuse ont encore fait mouche...

Anonyme a dit…

Ma pause détente avant d'attaquer la journée ! On voyage, on se régale ! Et je récupère une recette de plus pour utiliser la noura (ou nôra). Elle est pas belle la vie ?

Hélène Picken a dit…

Que de beaux souvenirs et si bien décrit par ta plume.
La recette est alléchante.

Anonyme a dit…

D'abord alléchée par la photo, je me suis jetée sur le texte et la recette. Je n'ai été déçue ni par l'un, ni par l'autre !
Quel régal avant de partir travailler !
Bonne journée
Hélène

Alhya a dit…

que de cultures culinaires inconnues je découvre à travers les blogs. Lorsqu'il n'y a que la recette, mon cerveau fait une incartade et imagine l'histoire qu'il y a autour pour mieux la humer virtuellement, en gouter les arômes et avoir ainsi un peu l'impression de l'apprivoiser avant de la faire... parfois je n'y arrive pas, trop loin, trop inconnu et voilà que toi, en quelques phrases tu me facilites le voyage tu m'ouvres les portes d'une cuisine et d'un monde inconnu et je n'ai plus qu'une envie, m'attabler juste au moment où les fou rires partent et essayer de comprendre vite vite pour rire avec vous!

Anonyme a dit…

Quel souvenir et quelle belle façon de raconter... je suis tellement contente d'avoir lu cette histoire que ma journée va être très bonne.

Anonyme a dit…

on l'apelle chez nous loubia beyda ou fassoulia , c'est delicieux !

Anonyme a dit…

j'aime quand tes histoires nous emportent loin...
cette fois ci, les lieux, les recettes se rapprochent de celles de mon enfance...
les loubias, la mouna, la t'fina, les cocas...

Scribacchini a dit…

Je me suis régalée,comme toujours chez toi en grande partie grace au récit. Connais-tu le volune "Cuisines de nos grands mères-100 recettes à transmettre" publié en 2004 par Minerva? Mémé y aurait été en bonne compagnie. Merci, Gracianne. Kat

Anonyme a dit…

Quelle belle histoire, émouvante. Tu fais bien de continuer à faire ces recettes familiales, goûteuse, qui rappellent à tous, quelque soit notre culture, des souvenirs de bons moments passés en famille. Merci pour ce beau billet.

Elvira a dit…

Tu remplaces l'agneau par du boeuf et les merguez par du chouriço, et tu as une spécialité de ma grand-mère! De la vraie "comfort food" familiale. J'adore!

Merci beaucoup pour le récit. Tu écris vraiment très bien. :-)

Anonyme a dit…

Une recette qui rechauffe le coeur et le corps, ca pour sur ! Et de surcroit, une belle balade culturelle !

Anonyme a dit…

salsiccia e fagioli?! buonissimi slurp:P

Anonyme a dit…

Un beau partage. Merci Gracianne.

Anonyme a dit…

Gracianne,
Encore un de vos beaux souvenirs que vous avez la gentillesse de partager avec nous. Merci

Anonyme a dit…

et voilà comment toutes les odeurs de mon enfance viennent de m'exploser au nez.
Ma vieille badra de nounou te claquerait un gros baiser sur la joue et léverait ses yeux au ciel de fierté.
bises

Anonyme a dit…

Miam, j'ai faim !

Comme je l'ai déjà dit, "Quand l'hiver sonne à notre porte, il faut que ça mjote".

et puis c'est si beau !

Mimine a dit…

Toujours aussi douee pour nous presenter des recettes, elles aussi a tomber...

Anonyme a dit…

j'ai bcp aimé ton histoire et la façon que tu as de la raconter, très joli style, merci pour ce bon moment !

Dorian Nieto a dit…

Les chocs quand ils sont culturels semblent produire de bien beaux résultats... quelque soit le résultat ent question ! que ce soit tes souvenirs ou ce plat que je découvre chez toi ! décidément je vais commander une deuxième vie pour essayer de découvrir le quart de la moitié des plats du monde... et des histoires qui les accompagnent !

Anonyme a dit…

Je pourrais te lire pendant des heures! C'est vrai, quoi... tu nous transportes!! La photo est à tomber.... un bon petit plat!

J'ai voulu laissé un commentaire sur le billet de l'anniversaire de ton fils, mais c'était impossible alors je le fais ici: J'aurais bien voulu être la 19ème dans le lot, rien que pour manger les fairy cakes!!!! Joyeux anniversaire à ton GRAND garçon!

Anonyme a dit…

j'ai salivé à la lecture de ton billet et je salive sur ta recette !

Anonyme a dit…

J'adore les loubias, et tu as raison, c'est encore meilleur le lendemain!!! Moi j'ne mets pas de viande mais ta variation me plait beaucoup

Anonyme a dit…

Un article très beau, la recette très invitante!

Anonyme a dit…

que j'aime lire ces souvenirs chargés d'émotion... et que la recette me plaît !

Anonyme a dit…

Gracianne, tu touches à l'essence même de la cuisine : le partage ! Merci d'avoir partagé tes souvenirs et la recette...

Anonyme a dit…

belle histoire et belle recette qui me permet de découvrir ce fameux loubia que je ne connaissais pas!

Anonyme a dit…

Je ne m'étonne plus qu'en argot les haricots se disent aussi loubets.
J'ai aimé le voyage et l'esprit de cette cuisine, soeur de la nôtre. Elvira y fait très justement allusion.
Pour refaire ce plat, je vais quand même attendre des froids intenses: un + 6/8°, quelque chose par là. Mais ce n'est pas encore la veille.
Belle note, beau récit.
Amitié,
JCP

Anonyme a dit…

hhhuuumm, tu vas faire une paire d'heureux cette semaine, c'est le top ta recette, et on sent un supplément d'émotion dans le récit, petite Gracianne, je comprends si bien ce regard merveilleux sur une autre culture, si généreuse!

Anonyme a dit…

Je ne connaissais pas ce plat. Je sens qu'il plaira bien à Puce. En prime, une belle hsitoire, comme tu en as le secret!

Tarzile

Anonyme a dit…

Très beau billet plein de nostalgie et très belle recette! mon coup de coeur du jour!

Marie, Paris a dit…

J'aime toujours autant te lire :)

Anonyme a dit…

C'est une des plus belles choses dans la cuisine : la transmission. Tu apprendras ensuite cette recette à tes enfants, à moins qu'ils ne mettent déjà la main à la pâte ?! En tous cas, je vais essayer quand la t° sera un peu plus basse ! Merci !

Anonyme a dit…

Je me retrouve tellement dans ce que tu racontes si joliment... Mes chocs de cultures, c'est quand j'ai débarqué en France et que j'ai vécu mes premiers déjeuners dominicaux autour d'apéros saucisson, de blanquettes de veau et de pommes de terre recouvertes de sauce. J'ai fini par m'acclimater... mais mes blanquettes ne seront jamais aussi bonnes que celles de ma "famille française!";-)

Anonyme a dit…

J'adore quand tu raconte, ma Gracianne, j'ai l'impréssion d'y être.
Et je sent même l'odeur de ton loubia, dis !!!!
bizous
Isabelle

Gracianne a dit…

Je suis contente que ce plat rappelle des souvenirs à certains, comme un goût d’enfance qui remonte. Il n’y a rien de tel que s’asseoir à la table des autres pour commencer à comprendre leur culture. Ensuite il faut faire, et je suis d’accord avec toi Dorian, il nous faudrait plusieurs vies pour explorer tous ces trésors, et les préparer nous-mêmes (mais si Véro, je suis sûre qu’elle est excellente ta blanquette!).

Anonyme a dit…

Ca me rappelle aussi mon enfance, mais pour d'autres raisons. Bagneux, Ecole Saint-Gabriel, 8 ans de ma vie... exquises !

Anonyme a dit…

Ah oui il s'agit bien de cette "loubia" dont je t'ai parlé. Avce quelques modifications : une bonne dose d'ail, 1 à 2 feuilles de laurier, et pas d'autres viandes que le pied de veau ou d'agneau, hummmm de quoi me faire plonger en enfance!!

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